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Plus décisif que la violence

La méthode d’action d’Initiatives et changement, tout comme celle de Gandhi, exclut la violence.

Plus décisif que la violence[1]

« Je m’oppose à la violence parce que lorsqu’elle semble produire le bien, le bien qui en résulte n’est que transitoire, tandis que le mal produit est permanent. » Mahatma Gandhi

La méthode d’action d’Initiatives et changement, tout comme celle de Gandhi, exclut la violence[2]. Mais celle-ci s’invite parfois à la table de l’Histoire et il faut alors composer avec elle. Comment ? L’expérience des deux mouvements recèle de nombreux enseignements.

Au risque de choquer, il faut rappeler que Gandhi n’a pas été pacifiste. A ceux qui disent que la non-violence est le choix des lâches, il répond : « dans une situation où il n’y aurait comme choix que la lâcheté ou la violence, je choisirais la violence... En même temps, je crois que la non-violence est infiniment supérieure à la violence, et le pardon plus viril que le châtiment. » Lors de la guerre des Boers[3], soucieux de faire progresser la question des droits civiques des Indiens d’Afrique du sud, il forma une unité indienne du service de santé militaire et participa directement à ce conflit impérialiste aux côtés des Anglais, qui le décorèrent. Lors de la première guerre mondiale, il encouragea les jeunes à s’engager dans l’armée tout en refusant de porter lui-même les armes. Pendant la deuxième guerre mondiale, il soutint une motion au sein du parti du Congrès indien acceptant la présence des troupes alliées en Inde, sous réserve que les Britanniques accordent l’indépendance. En octobre 1947, il donna son accord tacite à l’envoi de troupes indiennes au Cachemire pour combattre les milices pro-pakistanaises, et, lors des affrontements entre communautés religieuses de 1946-1947, il autorisa l’autodéfense[4].

Mais il était particulièrement vigilant à ce que la haine ne vienne pas pervertir ses propres actions. En 1922, lorsque des manifestants se réclamant de lui massacrèrent vingt-deux policiers, Gandhi mit immédiatement fin à une campagne de désobéissance civique nationale qui avait pourtant enthousiasmé l’Inde et qui terrifiait les autorités anglaises. Il savait que la population et ses partisans emprisonnés risquaient de le prendre pour un lâche, voire pour un traître, mais il avait le sentiment qu’il ne pouvait pas transiger sur son principe de non-nuisance à autrui (ahimsa, souvent rendu par non-violence). Même ses plus grands critiques admirent plus tard qu’il avait ainsi pris l’ascendant moral sur les Britanniques et aussi gardé le contrôle du mouvement nationaliste qui était en train de glisser vers des mains peu recommandables.

Les hommes et les femmes des groupes d’Oxford, devenu le Réarmement moral en 1939 puis Initiatives et Changement en 2001, ont eux aussi été confrontés aux circonstances de la guerre et les ont gérées en citoyens et en militants. Jusqu’à la dernière minute, ils ont eu l’espoir, certains diront la naïveté, d’infléchir le cours de l’Histoire et d’éviter les destructions, la mort et la misère qui accompagnent les guerres, n’hésitant pas pour cela à entrer en contact avec des chefs nazis, ce qui leur fut bien entendu sévèrement reproché par la suite. Mais n’est ce pas le propre des visionnaires que d’échapper à tout cynisme et de toujours espérer un sursaut de la conscience humaine ?

A partir de 1939, une vingtaine de Britanniques s’engage aux côtés de Buchman dans une campagne de mobilisation civique aux Etats-Unis, une tâche qui leur paraissait là aussi plus décisive que la violence, tant les Américains étaient inconscients de la gravité de ce qui se passait en Europe. A ce titre, ces proches collaborateurs de Frank Buchman obtiennent plusieurs reports d’incorporation avec l’appui de hauts responsables politiques américains dont le sénateur Harry Truman (alors responsable de la commission supervisant l’état de préparation de l'armée), ce que certains adversaires du mouvement dénoncent violemment en l’assimilant à de la lâcheté. Mais le moment venu, nul ne s’est dérobé à ses obligations et les hommes en âge de combattre ont pris part au second conflit mondial.

Ce scénario en deux temps s’avéra providentiel pour un mouvement dont la radicalité morale dérangeait et qui était soumis à de nombreuses attaques. Ce sont en effet l’activité déployée aux Etats-Unis et les nombreux contacts maintenus au sein du réseau international qui expliquent la rapidité de la mobilisation en faveur de la réconciliation après la guerre : l’achat en 1946 du centre de conférence de Caux en Suisse[5] - projeté pendant le conflit avec l’accord de Frank Buchman depuis les Etats-Unis ; les contacts avec les Allemands, y compris avec les opposants – c’est à la veuve d’un officier allemand exécuté pour fait de résistance contre Hitler qu’Irène Laure[6] ouvre son cœur à Caux en 1946 ; la présence de Frank Buchman et d’une forte équipe du Réarmement moral à San Francisco en 1945 alors que se tient la conférence fondatrice des Nations-Unies[7]. Et puis la présence de nombreux amis du Réarmement moral au sein des forces alliées facilita la diffusion du message de réconciliation porté par le mouvement dans l’immédiat après-guerre, où seuls les militaires avaient les moyens de circuler - et d’autoriser la circulation.

Par la suite, les idées d’Initiatives et Changement se sont trouvées en décalage croissant avec les théories en vogue, souvent issues du marxisme, privilégiant les méthodes d’action violentes et la diabolisation de l’adversaire. La formule « plus décisif que la violence » s’est d’ailleurs imposée sur fond de crise de mai 1968, pour rappeler que l’expérience démontre sans cesse l’efficacité et la durabilité d’une politique de dialogue et de respect des attentes des populations dans un climat de confiance.

En témoigne l’expérience du Haut-Adige, région italienne à majorité germanophone que les Autrichiens appellent le Tyrol du sud. A la fin des années cinquante, un mouvement terroriste visant à la réunification du Tyrol s’y organisa (361 attentats furent commis entre 1956 et 1968). Mais aujourd’hui la région fait figure de modèle – à tel point que le grand public ignore complètement qu’il y avait potentiellement là une situation de type nord-irlandais ou basque. Entretemps, les vraies questions ont été mises sur la table par une série de délégations des deux communautés venues à Caux en 1968 et les années suivantes. Il y avait les contentieux sociaux et culturels, les nouvelles blessures issues de la période du fascisme et de la deuxième guerre mondiale, la défiance née de l’application incomplète des précédents statuts d’autonomie par le gouvernement italien, etc. A la tête des premières délégations se trouvaient les figures de proue des deux communautés, l’italophone Armando Bertorelle et le germanophone Silvius Magnago. Ce dernier déclare alors publiquement : « Après avoir vécu ensemble l’expérience de Caux, je suis persuadé que quand nous nous retrouverons en négociations, l'amitié aura fait disparaître les paroles acerbes d'autrefois. » Le quotidien Il Giorno rappelle en 1969 « l’aide que le Réarmement moral a donnée à des hommes politiques des deux groupes ethniques lors des rencontres de Caux. Il en est résulté un nouvel état d’esprit qui a rendu possible la solution des problèmes du Haut-Adige lors de la présentation des propositions italiennes. » En 1971, les parlements italien et autrichien approuvaient définitivement les lois organisant l'autonomie de la communauté germanophone.

Le ministre des Affaires étrangères autrichien déclare lors d’une visite en Italie en 1986 que Bolzano[8] devrait être « la capitale européenne de la compréhension entre ethnies différentes. » Alois Mock, ancien vice-chancelier autrichien et ministre des Affaires étrangères en exercice, déclare en plein conflit yougoslave que l’application du nouveau statut est « un jalon dans l’histoire européenne », et qu’il a « un caractère de modèle parce qu’entre les deux parties les principes démocratiques ont été respectés, en renonçant à l’usage de la violence. » En avril 2007, le chancelier autrichien Alfred Gusenbauer, qui s’efforce de mettre au point un accord avec la Serbie à propos l’indépendance du Kosovo, propose d’appliquer à la partie nord du Kosovo, où résident de nombreux Serbes, le modèle de la province semi-autonome du Haut-Adige.

Les équipes d’Initiatives et Changement sont aujourd’hui à l’œuvre sur de nombreux fronts : réduction des tensions raciales et sociales dans les villes, réconciliations et construction de la démocratie, reconnaissance des peuples indigènes, dialogue interculturel et religieux, construction d’un climat de confiance et d’intégrité dans le monde économique – condition d’un développement juste et durable[9]. Alors que la violence fait ces dernières années moult preuves supplémentaires de son inefficacité et de ses risques de dérives sans limites vers le crime contre l’humanité, les méthodes de Gandhi, qui sont aussi les nôtres, ne sauraient être plus actuelles. Comme il l’a dit lui-même : « Dans le conflit armé on cherche à détruire l’adversaire ; dans le conflit non-violent on cherche à le convaincre ; réussir, c’est arriver à définir avec l’adversaire des objectifs communs que l’on peut atteindre en coopérant. »  En ce soixantième anniversaire de sa mort, l’exemple de Gandhi nous rappelle à propos que cet engagement implique effort, voire souffrance et qu’il se nourrit d’une véritable foi, religieuse ou humaniste.

[1] Titre d’un livre préfacé par le philosophe Gabriel Marcel, paru en 1969 et présentant les idées d’Initiatives & Changement au travers de différents récits.

[2] Initiatives et Changement appuie toute sa démarche sur l’écoute de la conscience, la remise en cause personnelle, le dialogue et le recentrage des comportements sur les valeurs morales humanistes fondamentales. Frank Buchman, inspirateur d’Initiatives et Changement, avait réduit à quatre la liste de ces valeurs : honnêteté, pureté, désintéressement et amour, mais il en demandait le respect le plus scrupuleux. Gandhi a fait des listes de valeurs et de comportements adaptés aux circonstances, variant de sept à une vingtaine. On y retrouve vérité (satya), non-nuisance à autrui (ahimsa, souvent rendu par non-violence), simplicité et dépouillement, brahmacharya (pureté spirituelle et chasteté), végétarisme et maîtrise de l’appétit, tolérance et respect pour toutes les religions, respect de la vie, amour…

[3] Conflit qui opposa les Britanniques et les colons néerlandophones d’Afrique du Sud de 1880 à 1881 puis de 1899 à 1902. A l’issue, les deux républiques boers et leurs exceptionnelles mines d’or et de diamant furent absorbées par l'empire britannique.

[4] Source : Rajmohan Gandhi, conférences données en Grande-Bretagne en novembre 2005.

[5] Alors que les échanges avec l’Allemagne étaient presque inexistants, Frank Buchman et son équipe font venir à Caux des centaines d’Allemands. Leur rencontre avec les Français également venus en nombre jettent les bases d’une réconciliation massive. Par la suite, les gouvernements allemand et français honorent Buchman en lui décernant leurs plus hautes décorations en hommage à sa contribution à la réconciliation de l’Europe.

[6] Irène Laure, résistante, députée socialiste à l’Assemblée constituante en 1945-1946, antiallemande devenue figure de proue de la réconciliation franco-allemande après un changement personnel à Caux. Voir le film « Pour l’amour de demain », disponible auprès d’I&C.

[7] Cette équipe y facilite notamment la résolution des blocages autour du chapitre XII du projet de charte des Nations-Unies, chapitre qui traite du statut des territoires sous tutelle et qui offre naturellement un terrain d’affrontements acrimonieux entre les héritiers des empires coloniaux, notamment le représentant britannique Lord Halifax, et les jeunes nations, représentées par le délégué des Philippines, le général Carlos Romulo.

[8] En allemand Bozen, capitale du Haut Adige.

[9] Voir les principaux programmes d’Initiatives et Changement sur le site www.caux.org

文章语言

Français

文章年份
1999
Publishing permission
Accordé
Publishing permission refers to the rights of FANW to publish the full text of this article on this website.
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