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En l’espace de vingt ans, au début du 20ème siècle, l’alpage des Monts de Caux est passé de trois rustiques chalets à l’un des premiers sites touristiques de la Suisse et du monde. Il a vu la construction de deux géants de l’hôtellerie, et en plus, de deux églises, une gare, trois patinoires, une piste de bobsleigh, des tennis… D’abord le Grand-Hôtel, qui ouvre ses portes en 1893, ensuite, en 1899, débute la construction d’une énorme terrasse derrière laquelle s’élèvera le Caux-Palace, dont le centenaire tombe au mois de juillet 2002.
C’était grâce au dynamisme et à la vision d’Ami Chessex (1840-1917), de Territet, et d’un groupe de Montreusiens. L’architecte, Eugène Jost (1865-1946) était aussi un homme de la région, qui a laissé ses traces : c’est à lui qu’on doit la Poste de Lausanne, la gare de Montreux, le Grand-Hôtel de Territet, et la reconstruction du Montreux-Palace.
Des hauts et des bas
Le Caux-Palace, à son ouverture dans la première semaine de juillet 1902, fut le plus grand et le plus luxueux des hôtels suisses. A ses heures de gloire, à la Belle Epoque, il accueille le jet-set du monde d’avant les jets : John D. Rockefeller, le maharadjah de Baroda, Sacha Guitry, Arthur Rubinstein, le prince Ibn Séoud, futur roi d’Arabie Saoudite, les auteurs Rudyard Kipling, Edgar Wallace, Daphne du Maurier et Scott Fitzgerald. Des princes de sang de Saint-Pétersbourg aussi bien que des princes de la fortune de Pittsburgh. Des champions olympiques de patinage s’entraînent à Caux. C’est là que se constituent les fédérations mondiales de bobsleigh, de toboggan et de hockey sur glace. Plus haut dans la montagne, la descente de la « piste du diable » passe pour l’une des épreuves les plus difficiles de ce nouveau sport qu’est le ski.
Survient la première guerre mondiale : le palace reste vide pendant cinq ans et perd un million de francs. Il ouvre à nouveau ses portes après le conflit, mais apparaît comme tellement démodé qu’il faut attendre 1929 pour que ses propriétaires procèdent à sa remise à neuf. Il est trop tard : la dépression, puis l’approche de la seconde guerre mondiale entraînent sa fermeture. En 1944, le bâtiment est réquisitionné par l’armée pour loger des militaires de l’empire britannique, des réfugiés civils d’Italie et enfin des juifs, rescapés de l’Holocauste.
Un centre de rencontres
Déjà au printemps 1942, un jeune Suisse avait eu une autre vision d’avenir pour le Caux-Palace. Si son pays sortait indemne de la guerre, pensait-il, la tâche des Suisses serait d’offrir un lieu de rencontre aux Européens déchirés par la haine et la souffrance. « Caux est l’endroit, » avait-il noté dans son calepin. En l’espace de quelques semaines, Philippe Mottu et ses amis prennent la décision d’acheter le bâtiment et la grande maison est nettoyée et transformée en centre de rencontres internationales.
Des historiens ont noté l’apport de Caux à la réconciliation franco-allemande, salué par ailleurs par Robert Schuman et Konrad Adenauer, deux des acteurs-clefs qui ont fait le voyage jusqu’à Caux. Ensuite, les conférences de chaque été se sont ouvertes au monde entier, aux pays en voie de décolonisation, aux questions d’éthique dans le monde des affaires et des médias.
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