... Et pourtant, même une fois redescendue de la montagne, l’âme s’attarde encore là-haut.
Cette année, comme équipe française, nous y avons contribué au Forum pour la Démocratie en animant trois table-rondes sous l'intitulé : « Conflits au Proche-Orient, Regards croisés depuis la France. » Car la France est un pays où ces conflits dévastateurs trouvent un écho puissant, relayés par de fortes communautés juives et musulmanes qui ressentent intimement les enjeux. Mais en France habitent aussi ou transitent des bâtisseurs de paix.
Celui qui, des mois durant, avec grande consécration, avait conduit notre préparation à ces journées, a été malheureusement empêché de venir à Caux pour raisons professionnelles impérieuses de dernière minute.
Chacun de nous a été d'autant plus mobilisé pour accueillir les dix intervenants à nos tables rondes ; des hommes et des femmes aux statures, cultures et approches diverses, dont nous ne doutions pas de la qualité de contribution par-delà leurs divergences d’opinion, mais le contexte était très sensible.
Accueillir : accompagner l’arrivée dans un grand foyer insolite, piloter dans les rythmes de la maison, favoriser les rencontres, mais aussi adoucir des tensions, mêler à la vie des lieux sous tous ses aspects.
Jamais tant que cette fois, je n’ai senti que nous étions une équipe unie dans l’action, joignant nos capacités pour la réussite d’un événement au service de la paix dans le monde. Quelque chose de plus grand que nous captait le meilleur de nos ressources, nous hissait au-dessus de nos ordinaires habituels. Nous étions unanimement conscients de l'importance du moment et de notre part de responsabilité : au risque de chocs entre elles des personnes remarquables avaient répondu à notre invitation dans un lieu qu’elles ne connaissaient pas, pour contribuer à une réflexion globale sur notre monde déchiré, s’interroger sur les moyens d’y faire survivre le respect des droits humains et des valeurs démocratiques, quand un nouvel ordre mondial les piétine et privilégie les rapports de force.
À ce forum, nous étions aussi entourés de participants que d'autres guerres jetaient dans des camps adverses (afghans, arméniens, kurdes, ukrainiens, russes...). Comment parler de dialogue, de rapprochement quand les plaies sont à vif ? Caux jouait son rôle de lieu d’accueil pour au moins dire sa souffrance. Et nous, épargnés à bien des égards, nous étions là pour entourer de notre présence attentive et notre amitié d’autres qui souffrent plus que nous, car nous croyons que ceux qui ont le plus souffert ont le plus à donner pour bâtir un monde différent.
Il y a des décennies, celui qui inspirait le mouvement qui a engendré l’activité d’Initiatives et Changement mettait son entourage au défi : Il faudra choisir entre écouter la voix de Dieu ou entendre celle des tyrans et des canons. Aujourd’hui, nous n’avons pas fini d'approfondir la signification de ces paroles toujours d’actualité ; de les adapter aux mentalités de notre temps.
À Caux, on se rappelle que chacune de nos vies est un microcosme à l'image du monde dans lequel nous vivons : il n’y a pas de petits combats et de grandes guerres. Chacun est invité à faire partie de la guérison à partir de ses expériences de changement personnel, si modestes soient-elles. C’est le prix d'une espérance nouvelle.